Camus
Son las doce de un domingo soleado y acabo de borrar una o dos digresiones, porque quiero hablar de Camus y no de la lluvia de hojas, ni de los ciclistas exaltados. No recuerdo las veces que he leído El Extranjero, ni los análisis que he escuchado de esta novela en los talleres a los que asistí como alumna. Pero adormilada recuerdo que leí La Peste en francés a los doce años y que mamá me decía: en la mesa no se hablaba de ratas y menos de bubones. Digo bubón y me toco el cuello en busca de un ganglio grande y doloroso y respiro aliviada un instante,sólo hasta que intento recordar si alguna vez me había mordido una rata. Las ratas nos rodeaban, nos mordían los tobillos, nos estallaba la piel y un líquido purulento manchaba las sábanas y no podíamos respirar porque la peste roía nuestros pulmones. Yo no sabía de existencialismos, ni de absurdos, ni había estado en Orán, pero al anochecer miraba debajo de la cama por si alguna rata se ocultaba entre los tintines.
Paseo por las veredas de El Retiro y pienso dónde comprar pasteles y si llegaré a tiempo al cocido familiar. Miro alrededor y parece que no nos amenaza ninguna epidemia, pero las ratas están ahí, ya han roído nuestra alma, nuestro espíritu, Madrid es un bubón gigantesco que excreta pus y huele a podrido, pero nos consuela saber que los muertos eran los de Orán.
Con este pasaje de El Extranjero entro en calor en Dublín.
No olvides leer La Peste de nuevo.
Au bout d'un moment, je suis retourné
vers la plage et je me suis mis à marcher.
C'était le même
éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide
et étouffée de ses petites vagues. Je marchais
lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute
cette chaleur s'appuyait sur moi et s'opposait à mon avance. Et chaque fois que
je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je
fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier
pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu'il me déversait. A chaque épée de
lumière jaillie du sable, d'un coquillage blanchi ou d'un débris de verre, mes
mâchoires se crispaient. J'ai marché longtemps.Je voyais de loin
la petite masse sombre du rocher entourée d'un halo aveuglant par la lumière et
la poussière de mer. Je pensais à la source fraîche derrière le rocher. J'avais
envie de retrouver le murmure de son eau, envie de fuir le soleil, l'effort et
les pleurs de femme, envie enfin de retrouver l'ombre et son repos. Mais quand
j'ai été plus près, j'ai vu que le type de Raymond était revenu. II était seul.
Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans les ombres du
rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe fumait dans la chaleur.
J'ai été un peu surpris. Pour moi, c'était une histoire finie et j'étais venu
là sans y penser.Dès qu'il m'a vu,
il s'est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche. Moi, naturellement,
j'ai serré le revolver de Raymond dans mon veston. Alors de nouveau, il s'est
laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de sa poche. J'étais assez
loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son regard par instants,
entre ses paupières mi-closes. Mais le plus
souvent, son image dansait devant mes yeux, dans l'air enflammé. Le bruit des
vagues était encore plus paresseux, plus étale qu'à midi. C'était le même
soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait
déjà deux heures que la journée n'avançait plus, deux heures qu'elle avait jeté
l'ancre dans un océan de métal bouillant. A l'horizon, un petit vapeur est
passé et j'en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je
n'avais pas cessé de regarder l'Arabe.J'ai pensé que je
n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante
de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques pas vers la source.
L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à
cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La
brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur
s'amasser dans mes sourcils. C'était le même
soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout
me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de
cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en
avant. Je
savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me
déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois,
sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil.
La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui
m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a
coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile tiède et
épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne
sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le
glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes
yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle
épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour
laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur
le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et
c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé.
J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre
du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors,
j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient
sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la
porte du malheur.
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